Revue-001-2017

Revue Nr. 001 Juillet 2017 «Carrefours Scientifiques»

Editorial: De la démarche intellectuelle à la méthode scientifique,
Jean-Roger SYAYIPUMA KAMBERE, (pp. 3-6)

Lorsque nous entrons à l’université ou dans une institution supérieure, pour embrasser la formation de niveau supérieur et universitaire, nous pensons généralement que notre formation à l’école secondaire est suffisante pour entreprendre la recherche scientifique. Il suffit que le professeur nous soumette à une étude pratique ou un travail, qui nous mènera en bibliothèque, sur le terrain, sur Internet et en laboratoire, pour que nous nous rendions à l’évidence que de profondes insuffisances marquent notre formation antérieure.

Ces insuffisances sont pourtant normales, dans la mesure où il nous est demandé d’adopter un nouveau style de travail intellectuel et une nouvelle façon d’acquérir les connaissances. C’est avec le temps que ce qui se présentait comme insuffisance devient à la longue une activité routinière. Mais qu’à cela ne tienne, la recherche est une école pour la vie entière. Dans la recherche scientifique, la question qui vient à l’esprit d’un étudiant (et plus tard d’un cadre formé) est souvent la même au début : « De quoi s’agit-il dans l’étude que nous voulons mener ?» En termes généraux, nous définissons l’ensemble des questions et des problèmes, pour lesquels notre recherche devra apporter des réponses. Dans la suite, notre précompréhension, autour de la thématique et de la problématique qui en découle, nous inspire certaines pistes de solutions que nous pourrons confirmer ou infirmer dans les sources que nous consulterons.

Il faut remarquer ici que didactiquement, la question de recherche vient à l’esprit la première, mais épistémologiquement, la question de recherche s’accompagne toujours de l’interrogation suivante : « Comment allons-nous faire pour résoudre la problématique posée dans notre recherche ? » Ici s’enclenche la prise en compte des démarches à entreprendre, des pistes à explorer, des étapes à franchir, dans la recherche des solutions au questionnement de départ.
Nous voulons préciser, présentement, qu’une fois la thématique est fixée, une fois que la problématique est élaborée avec ou sans l’aval des hypothèses, le chercheur déploie un effort de réflexion qui le conduit à identifier une série de démarches intellectuelles parmi lesquelles il devra choisir celles qui lui permettront d’aboutir aux résultats pressentis en réponse aux questions posées au départ. En fait, ce n’est pas une méthode scientifique qui vient à l’esprit du cherche au début de la recherche, c’est l’intuition d’une démarche intellectuelle qui, grâce à l’apport des procédés scientifiques de sa mise en œuvre effective deviendra petit-à-petit une méthode scientifique (Gérard DUROZOI et André ROUSSEL, Dictionnaire de philosophie, Paris, Edition Nathan, 1987, p. 225).

L’intuition d’une démarche intellectuelle est fondamentale au début de la recherche scientifique. Cela se fait, comme dit plus haut, par un effort de réflexion devant répondre à la question « comment allons-nous faire pour résoudre la problématique posée dans notre recherche ?». Toute intuition commence par une approximation : « nous pensons qu’en adoptant telle démarche spécifique, nous pouvons résoudre le problème que nous avons posé ». S’il s’agit de faire ressortir les caractéristiques de notre thématique, alors la démarche intellectuelle est la description. En décomposant le problème en ses parties constitutives pour mieux le comprendre et l’exploiter, nous adoptons l’analyse. Si au contraire nous découvrons que le problème contient deux réalités dont l’une éclaire la compréhension de l’autre, dans le concret, il faut donc partir des traits caractéristiques d’une des deux réalités connues de façon à en faire découler les caractéristiques de l’autre réalité. Ce faisant nous somme dans l’analogie. Dans un autre cas, si nous devons examiner une réalité pour en déduire une conclusion et en déterminer la valeur tout en précisant le pour et le contre de cette valeur, les étapes à franchir seront les suivantes : l’examen de la réalité, le jugement de la réalité, la précision du pour et du contre de la valeur : cette démarche intellectuelle est celle de la critique. Nous ne voulons pas entrer dans les profondeurs des méandres dans l’intuition de la démarche intellectuelle effectuée au cœur de l’esprit du chercheur, puisque c’est la routine qui nous caractérise dans les travaux scientifiques de tous les jours.

Il est important, dans l’esprit d’un chercheur, de préciser la démarche intellectuelle qu’il adoptera dans ses activités de recherche, car chaque démarche intellectuelle se rapporte toujours à un procédé utilisé, d’abord dans la pensée quotidienne ensuite dans la recherche scientifique, que nous appellerons méthode scientifique, en spécifiant son mode d’emploi dans un domaine précis. D’après le Professeur Jean-Chrysostome AKENDA KAPUMBA ce sont les différentes caractéristiques des rationalités que nous utilisons dans la vie quotidienne de nos propos qui nous aident à comprendre dans quel sens il est possible de considérer la vie courante comme le fondement concret de la conceptualité scientifique. (Epistémologie Structuraliste et Comparée. Tome 1 Les sciences de la culture, Kinshasa, Facultés Catholiques de Kinshasa, 2004, page 96, III.2.3. Monde-de-la-Vie et Science).

Il est donc incontestable que les diverses façons de penser, de discuter, de critiquer, de prouver etc. inspirent inévitablement celles que nous pratiquons dans la science, après leur raffinement, leur perfectionnement et leur maitrise. C’est là que la démarche intellectuelle, appartenant à la vie ordinaire de tous les jours, devient méthode scientifique, utilisée dans le monde scientifique. Cette étape est atteinte grâce au choix judicieux que le chercheur aura porté sur la méthode adhérant à sa recherche. Nous voulons insister sur le choix de la méthode comme fer de lance de la recherche et de l’obtention des résultats. Si la méthode est mal choisie la recherche en pâtit.

« Pour la biologie, la psychologie et la sociologie, il peut exister une grande variété des méthodes parmi lesquelles il faut choisir et le chercheur devra justifier son choix. Le mieux est de voir ces méthodes sous l’auspice de l’efficacité et des possibilités, même si c’est un peu arbitraire. » C’est que l’article que Professeur Louis PALUKU SABUNI cherche à montrer : opter pour la méthode qualitative ne peut pas être le fruit du hasard ou d’une malencontreuse insouciance ; il en est de même dans le choix que le chercheur porte sur la méthode quantitative : tout choix doit être justifié et prouvé au regard de la recherche envisagée.

Sans méthode scientifique appropriée, la recherche scientifique n’en est plus une à proprement parlé. Il n’empêche qu’en ayant pris le soin d’utiliser une méthode scientifique, en respectant scrupuleusement les protocoles et usages définis dans la méthodologie scientifique de son domaine de spécialisation, il ne devienne pas moins ardu à mettre sur pieds le modèle épistémologique explicatif. En fonction de l’étude à mener, il y a des modèles correspondants que le chercheur devra bien conceptualiser (Martyn SHUTTLEWORTH, Différentes méthodes de recherche, 2014, https://explorable.com/fr/differentes-methodes-de-recherche) . Ici encore le choix du modèle relève de la responsabilité du chercheur. Prendre le modèle constructiviste demande d’être justifié et fondé, en gestion informatique, tel que le Professeur Jean-Baptiste PALUKU NDAVARO le présente dans son article sur le problème épistémologique de la recherche en gestion informatique. Si le chercheur opte pour le modèle positiviste, il faut le fonder par rapport à la recherche menée.

Le chercheur est d’autant plus embarrassé dans son qu’il est confronté à une multiplicité d’écoles épistémologiques qui défendent mordicus des méthodologies de recherche divergentes. Le Professeur Séraphin MUNDUNDU BWALAMWETCH tente une approche holistique dans laquelle il demande la participation collective des méthodes dans l’étude des phénomènes sociologiques, essentiellement les faits sociaux régressifs de la République Démocratique du Congo. Il s’inscrit dans le post-positivisme. Sa pensée est assez dense dans la mesure où il échafaude, dans son second article, un schéma méthodologique que les chercheurs sociologues puissent appliquer dans la recherche scientifique en Sociologie.

C’est l’illustration d’un débat ouvert qui apporte des idées à la réflexion épistémologique, lorsque le Professeur MUHINDO MUGHANDA pose les bases de la recherche scientifique dans les sciences politiques et dans les études en relations internationales.

Nous avons voulu mettre l’accent sur la méthodologie de la recherche scientifique et sur le choix des méthodes scientifiques, dans les activités scientifiques, puisque c’est l’épine que les jeunes chercheurs (étudiants) trainent dans le fond de leur chaussure. Ce début du 21ème siècle, dans les milieux universitaires, nous déplorons une insuffisance dans la pratique de la science et surtout la maigreur des travaux pratiques présentés par les apprenants témoigne de graves lacunes en matière de méthodologie scientifique. Le comble est que le personnel scientifique des institutions supérieures et universitaires, notamment de la contrée (Est de la République Démocratique du Congo), éprouve des graves difficultés à expliquer lucidement les directives formulées par les directeurs des travaux de fin de cycle ou des mémoire auprès des finalistes si bien les textes des travaux souffrent d’un marasme intellectuel et méthodologique criant. Ce volume des carrefours scientifiques proposent quelques pistes de solutions aux impasses méthodologiques enregistrées dans la recherche scientifique.

Prof. Dr. Jean-Roger Syayipuma

Article 1:

Séraphin MUNDUNDU BWALAMWETSH: La participation collective des méthodes pour l’étude des phénomènes sociaux régressifs de la R.D.C. et son inscription dans le courant post-positiviste, (pp. 7-23)



Résumé: En sciences sociales, le plus souvent les chercheurs s’alignent sur les deux courants principaux à savoir : la dialectique et le fonctionnalisme avec leurs variantes.
Et dans la manifestation de ces méthodes, il y a une discussion sur la base d’un fanatisme rétrograde qui a surgi, et qui consiste à soutenir d’une manière dogmatique son courant préféré.
Dans cette discussion, la préoccupation qui surgit chez les chercheurs de la R.D.C. est celle de trouver une méthode produit du post-positivisme, qui convient aux réalités régressives du pays.
Ainsi, la participation collective des méthodes permet de proposer une démarche qui peut aider les chercheurs à obtenir un paradigme nouveau, où asseoir leur recherche, comme une méthode pour expliquer les phénomènes sous examen.
Cette démarche est la symbiose positive de deux paradigmes classiques dans une complémentarité pour corriger les insuffisances de l’une par l’apport de l’autre dans l’analyse d’une réalité spécifique, surtout celle de la RDC. Cette symbiose pourrait, en la contextualisant, produire un hybride transformateur positif de la société de la recherche sociologique qui, pour la plupart, devrait tendre vers le bien-être social, produit d’une libération de la société de ses étreintes actuelles.

Abstract: In social sciences, there are two main trends between which researchers operate their choice in undertaking research. These include the dialectics and the functionalism together with their variants. The choice of one of these methods is a result of backward-looking fanaticism consisting of sustaining one’s choice dogmatically.
In D.R.C., researchers are concerned with sorting out a method resulting from post-positivism which fits the regressive realities of the country. Therefore, the collective participation of methods allows an approach that can help researchers to achieve a new paradigm or undertake their research as a method to explain the phenomena under discussion.
This approach is a positive assortment of two complementary classical paradigms in order to correct shortcomings of the contribution of one or the other in the analysis of a specific reality, mostly D.R.C. reality. This assortment would produce a positive contextual transforming hybrid to the field of sociological research. Then this would mostly strive for social welfare, a result of the society liberation from present embraces.

Séraphin MUNDUNDU BWALAMWETSH


Article 2:

Louis Paluku SABUNI: La recherche qualitative appliquée à la santé communautaire, (pp. 25-42)



Résumé: Cet article décrit des concepts et méthodologie qualitative complexe d’une façon accessible à tous. La méthodologie qualitative est par nature inductive. L’approche inductive est souvent définie en opposition à l’approche déductive par laquelle le chercheur applique à des données empiriques (par observation) des explications qui trouvent leur source dans un cadre théorique préétabli. Par contre, dans une approche inductive, l’analyse est réalisée à partir des données, c’est à dire, à partir de ce que vivent les enquêtés et de ce qu’ils en disent. Partant, le caractère inductif entraîne souvent une démarche itérative. Pratiquement, la santé et la maladie sont des phénomènes quotidiens dans la communauté. La recherche qualitative s’intéresse particulièrement aux phénomènes quotidiens, qui doivent être aussi mieux compris dans leur contexte, pas seulement dans un cadre théorique préétabli qu’est la science biomédicale. Deux, exemples présentés, dans ce texte pour des raisons didactiques, proposent des procédures pratiques et les difficultés qu’un chercheur novice rencontre pendant la démarche scientifique en recherche qualitative en santé.

Abstract: This paper presents a complex qualitative method in way that is accessible to everyone. Qualitative methodologies are inductive by nature and are very often described as opposed to deductive approaches where researchers apply explanations that derive from theoretical framework to empirical data. In contrast, within inductive approach, interpretations are made from data, i.e. from the everyday life of participants (what they say and do). The inductive features of qualitative methods lead to an iterative endeavor. In real life, health and ill-health are every day phenomena; consequently, they must be understood also in the context where they occur, and not only within a pre-established theoretical framework, which is biomedical science. The discussion ends up by providing two examples which give practical procedures and inherent difficulties faced by any novice researcher doing qualitative research in health.

Louis Paluku SABUNI


Article 3:

Jean-Baptiste PALUKU NDAVARO: Le problème épistémologique de la recherche en Gestion informatique, (pp. 43-64)


Résumé: Dans quelles conditions la recherche en Gestion informatique répond-elle aux critères de la validité scientifique ? Et, avant tout, la Gestion informatique est-elle une science ? Cet article tente de répondre à ces questions en démontrant que la Gestion informatique trouve son essence identitaire dans les sciences de gestion d’autant plus que la notion d’ « informatique » serait à considérer comme une variable contextuelle d’un mode de gestion lié à la modernité par opposition à un mode de gestion traditionnellement utilisé.

Par ailleurs, en dépit des conflits qui opposent les courants épistémologiques, particulièrement le positivisme et le constructivisme, en ce qui concerne, d’une part, les paradigmes explicatifs (déduction vs induction) et, d’autre part, le traitement des matériaux empiriques (quantification vs construction des configurations) pour la validation des hypothèses, cet article ouvre une brèche à la transversalité épistémologique en recherche en Gestion informatique.

Abstract: Under what conditions does IT management research meet the criteria of scientific validity? And, above all, is IT management a science? This paper attempts to answer these questions by demonstrating that IT management is essentially identical in the management sciences, especially since the notion of « computing » should be considered as a contextual variable of a management mode linked to Modernity as opposed to a traditionally used management mode.

On the other hand, despite the conflicts between epistemological currents, particularly positivism and constructivism, on the one hand, the explanatory paradigms (deduction vs induction) and, on the other hand, the treatment of empirical materials (Quantification vs construction of configurations) for the validation of hypotheses, this article breaches the epistemological transversality in computer management research.

Jean-Baptiste PALUKU NDAVARO

Article 4:

Séraphin MUNDUNDU BWALAMWETSH: Schéma méthodologique applicable pour une recherche sociologique en R.D.C., (pp. 65-82)



Résumé: Ce schéma complète et clarifie quelques points qui seraient obscures pour une recherche sociologique valable pour la R.D.C. Il doit être conduit dans la dynamique de la révolution scientifique du post-positivisme, car il doit aboutir à une décolonisation mentale des congolais pour atteindre une société transformée positivement par l’application des méthodes de recherche appropriées. Ces méthodes doivent s’entourer des cadres conceptuel, théorique et opérationnel. En d’autres termes, elles doivent être produites par des théories : « Ce qui doit être », « Ce qui est », afin de découvrir dans la recherche des écarts entre les réalités du terrain, l’empirie et les théories consultées

Quand ces écarts sont perçus, il est important de savoir leurs causes multifactorielles afin de prévoir les remèdes étiologiques qui ne sont rien d’autre que des nouveaux paradigmes à monter, tels que ceux de l’abeille, de l’araignée et de l’escargot. Quand les travaux théoriques et empiriques sont réalisés, le chercheur doit noter des conclusions de sa recherche dans un modèle sociologique acceptable pour présenter ses résultats.

Abstract: This scheme completes and clarifies some stages that would be obscure for a valuable sociological research in DRC. It is to subscribe in the dynamics of scientific revolution of post-positivism. This research is to achieve Congolese mental decolonization to reach a positive society transformed by the application of appropriate research methods. These methods must encompass a conceptual, theoretical and operational framework. In other words, they must be generated from theories “what was”, “what is”, discovered from investigation in order to sort out deviations due to theories and data source realities (field).

When these deviations are perceived, it is important to know their multi-factorial causes so as to foresee etiological theories which are nothing else than new paradigms of the bee, of the spider, and of the snail caliber. When theoretical and empirical works are achieved, the researcher must write down conclusions of their research in an acceptable sociological style to present the findings of the research

Séraphin MUNDUNDU BWALAMWETSH


Article 5:

MUHINDO MUGHANDA: Le parcours d’une recherche en Relations Internationales : de l’identification du problème à la conception du cadre logique, (pp. 83-99)

Résumé: Cet article est un vadémécum du chercheur en Relations Internationales pouvant permettre de savoir élaborer un cadre logique de la recherche dans son domaine. Il soutient de manière transversale la prospective déterministe sans perdre la conscience de la complexité des relations internationales. Il part de la conviction selon laquelle le travail du scientifique est moins celui de découvrir «des vérités» mais de réduire la marge d’erreur, de tracer des lignes dans la complexité. C’est avec cet esprit qu’il répond a trois questions pouvant permettre de concevoir une recherche en Relations Internationales : (I) Comment identifier un problème en Relations Internationales ? (II) Comment construire une hypothèse d’internationaliste ? (III) Comment élaborer un cadre logique d’une recherche Relations Internationales ? Ceux qui le lieront pourront acquérir, on espère, la capacité de concevoir un plan de recherche en Relations Internationales, d’identifier la spécificité de l’internationaliste dans l’univers des chercheurs en sciences sociales et de devenir des consommateurs critiques du savoir produit en Relations Internationales.

MUHINDO MUGHANDA